23 septembre
Je vais à l'URSSAF pour leur remettre le volet des documents ACCRE, volet dont la dame à l'accueil ne veut pas. Au bout de nos discussions, l'URSSAF me conseille de m'inscrire aux Impôts comme artiste libre pour démarrer, mais souligne bien, que la meilleure solution pour mon activité serait l'affiliation à la Maison des Artistes vu les cotisations moins élevées par rapport à d'autres catégories professionnelles et leur couverture sociale intéressante équivalente à celle des salariés. L'URSSAF me déconseille fortement de m'inscrire comme profession libérale, catégorie qui paie le plus de charges. Quant à la retraite, elle me conseille d'ouvrir un plan d'épargne privé, mais de ne cotiser en aucun cas dans une caisse commune.
Une fois rentrée, je continue l'exécution du panoramique sur la loggia vu le beau temps d'automne. Je me sens rassurée lorsque je constate que ça marche mieux que ce que je n'ai osé espérer.
Après le dîner, je charge encore la voiture pour pouvoir partir tranquillement de bonne heure le lendemain matin au marché. L'idée de prendre la route pour la première fois seule me fait frémir d'autant plus que j'ai toujours ces terribles douleurs dans le côté gauche.
24 septembre
Il fait encore nuit, lorsque je pars pour faire un essai avec les objets anciens décorés au marché. Je suis sous une tension nerveuse extrême puisque je ne suis pas habituée de rouler la nuit. Comme la voiture recommence à couiner à toutes les vitesses, je ne passe pas inaperçue ! Il se met à pleuvoir, c'est l'orage, des flaques d'eau se forment vite partout ; je roule entre quarante et cinquante kilomètres à l'heure au plus grand désespoir des autres automobilistes qui n'hésitent pas à me doubler malgré la ligne blanche. Mais je ne me sens pas capable de rouler plus vite pour le moment vu le mauvais temps, la méconnaissance de la route et la difficulté à déchiffrer les pancartes. J'ai très chaud et les mains en sueur bien que la vitre soit entrouverte malgré la pluie. Je me dis que je dois passer par cette étape d'apprentissage qui me demande tout mon courage, que je n'ai pas le choix si je veux gagner ma croûte. Je suis contente de ne pas avoir à tourner trop souvent le volant ; j'ai toujours très mal côté gauche.
Après une petite heure de route, j'arrive soulagée, sans pluie, sur la place du marché où je dois courir après le placier. J'ai de la chance, une bonne place est disponible à côté d'une collègue anglaise qui m'avait conseillé de venir. En installant mon stand, j'ai l'impression que je suis déjà presque rôdée. Tout ce que j'espère c'est qu'il ne pleuvra pas puisque je ne suis pas équipée. Une fois mon stand terminé, je m'offre une tasse de thé au lait chaud bien méritée. Lorsque le placier passe pour encaisser les dix Francs pour la place, il me fait remarquer que j'ai de beaux yeux. Je suis étonnée que malgré mes presque cinquante ans mes yeux attirent encore des regards. Il est vrai qu'ils ont retrouvé leur éclat de jadis, signe infaillible que je vais mieux, après avoir été éteints pendant au moins trois ans par les antidépresseurs. Nos yeux reflètent bien notre état d'âme.
En attendant les clients, j'aperçois passer un homme que je crois connaître, mais sur qui je n'arrive pas à mettre un nom ; il revient, me regarde de plus près. Soudainement, son nom me revient : PAPOU, mari de FRANCINE, la famille éloignée des BOULIER, à qui RAOUL avait rendu visite en août dernier avec EMMA. PAPOU me fait la bise, geste que je n'apprécie guère après le silence depuis mon dernier coup de fil désespéré, il y a quelques années. Il est étonné de me voir ici. Il avait un doute, mais il m'a quand même reconnue après une certaine hésitation.
« Tu vas bien ? » me demande-t-il, question que je trouve indécente vu ma situation. « Comment veux-tu que j'aille bien ? Je suis encore vivante comme tu peux voir, mais je ne peux pas être bien en sachant que RAOUL nous a endettés de deux millions de Francs derrière mon dos ! » je lui réponds.
PAPOU a l'air surpris et prétend ne rien savoir de nos problèmes. Cela ne m'étonne pas.
« Tu peux passer chez nous quand tu veux » me propose-t-il gentiment. « Je reviendrai te voir tout à l'heure avec FRANCINE qui est allée faire des courses » me lance-t-il en partant.
Il ne revient pas. Je ne suis pas surprise.
Je n'ai pas perdu ma journée. Les Anglais apprécient et achètent mon travail. Je suis contente et prête de tenter un deuxième essai la semaine prochaine à condition qu'il ne pleuve pas.
Je récupère EMMA à l'école pour partir directement sur un autre marché. Pour la première fois de ma vie, je vais faire seule soixante-dix kilomètres d'un coup. Je roule déjà mieux que ce matin, mais je n'ose pas encore dépasser les soixante-dix kilomètres à l'heure. J'ai tout mon temps, je n'ai pas d'heure, personne ne m'attend ; pourquoi aller plus vite ?
Une heure et demie plus tard, nous arrivons sains et saufs à destination. La chambre que j'ai réservée cet après-midi, est minuscule, mais suffisante pour une nuit. Il y a de l'orage et il pleut beaucoup. Je n'ai qu'un seul souhait : Qu'il ne pleuve pas demain !
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